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L’hiver impétueux brisait encor la pierre,
D’un frein de glace encore enchaînait les ruisseaux,
Lui déjà de l’acanthe émondait les rameaux ;
Et, du printemps tardif accusant la paresse,
Prévenait les zéphyrs, et hâtait sa richesse.
Chez lui le vert tilleul tempérait les chaleurs ;
Le sapin pour l’abeille y distillait ses pleurs :
Aussi, dès le printemps toujours prêts à renaître,
D’innombrables essaims enrichissaient leur maître ;
Il pressait le premier ses rayons toujours pleins,
Et le miel le plus pur écumait sous ses mains.
Jamais Flore chez lui n’osa tromper Pomone :
Chaque fleur du printemps était un fruit d’automne.
Il savait aligner, pour le plaisir des yeux,
Des poiriers déjà forts, des ormes déjà vieux,
Et des pruniers greffés, et des platanes sombres
Qui déjà recevaient les buveurs sous leurs ombres.
Mais d’autres chanteront les trésors des jardins :
Le temps fuit ; je revole aux travaux des essaims.
Jadis, parmi les sons des cymbales bruyantes,
L’abeille, secondant les soins des corybantes,
Nourrit dans son berceau le jeune roi du ciel :
Son admirable instinct fut le prix de son miel.
Chez elle, les sujets unissent leurs fortunes ;
Les enfants sont communs, les richesses communes :
Elle bâtit des murs, obéit à des lois,
Et prévoit aux temps chauds les besoins des temps froids.
L’une s’en va des fleurs dépouiller le calice ;
L’autre d’un suc brillant et des pleurs du narcisse
Pétrit les fondements de ses murs réguliers,
Et d’un rempart de cire entoure ses foyers ;
L’autre forme un miel pur d’une essence choisie,
Et comble ses celliers de sa douce ambroisie ;
L’autre élève à l’état des enfants précieux ;
Celles-ci tour à tour vont observer les cieux ;
Plusieurs font sentinelle, et veillent à la porte ;