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Toi-même, pour fixer leurs folâtres humeurs,
Parfume tes jardins des plus douces odeurs ;
Ombrage de pins verts les dômes qu’ils habitent ;
Que les vapeurs du thym au travail les invitent ;
Que Priape, en ces lieux, écarte avec sa faux
Et la main des voleurs et le bec des oiseaux ;
Fais-y naître des fruits, fais-y croître des plantes,
Et verse aux tendres fleurs des eaux rafraîchissantes.
Si mon vaisseau, longtemps égaré loin du bord,
Ne se hâtait enfin de regagner le port,
Peut-être je peindrais les lieux chéris de Flore,
Le narcisse en mes vers s’empresserait d’éclore ;
Les roses m’ouvriraient leurs calices brillants ;
Le tortueux concombre arrondirait ses flancs ;
Du persil toujours vert, des pâles chicorées,
Ma muse abreuverait les tiges altérées ;
Je courberais le lierre et l’acanthe en berceaux ;
Et le myrte amoureux ombragerait les eaux.
Aux lieux où le Galèse, en des plaines fécondes,
Parmi les blonds épis roule ses noires ondes,
J’ai vu, je m’en souviens, un vieillard fortuné,
Possesseur d’un terrain longtemps abandonné.
C’était un sol ingrat, rebelle à la culture,
Qui n’offrait aux troupeaux qu’une aride verdure,
Ennemi des raisins, et funeste aux moissons :
Toutefois, en ces lieux hérissés de buissons,
Un parterre de fleurs, quelques plantes heureuses,
Qu’élevaient avec soin ses mains laborieuses,
Un jardin, un verger, dociles à ses lois,
Lui donnaient le bonheur, qui s’enfuit loin des rois.
Le soir, des simples mets que ce lieu voyait naître,
Ses mains chargeaient, sans frais, une table champêtre :
Il cueillait le premier les roses du printemps,
Le premier, de l’automne amassait les présents ;
Et lorsque autour de lui, déchaîné sur la terre,