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chêne ridé s’endurcit aux assauts,
Hérisse tous ses crins, et fond sur ses rivaux.
Que n’ose un jeune amant qu’un feu brûlant dévore !
L’insensé, pour jouir de l’objet qu’il adore,
La nuit, au bruit des vents, aux lueurs de l’éclair,
Seul traverse à la nage une orageuse mer ;
Il n’entend ni les cieux qui grondent sur sa tête,
Ni le bruit des rochers battus par la tempête,
Ni ses tristes parents de douleur éperdus,
Ni son amante, hélas ! qui meurt s’il ne vit plus.
Vois combattre le lynx, le chien, le cerf lui-même ;
N’entends-tu pas le loup hurler pour ce qu’il aime ?
Des cavales surtout rien n’égale les feux ;
Vénus même alluma leurs transports furieux,
Quand, pour avoir frustré leur amoureuse ivresse,
Elle livra Glaucus à leur dent vengeresse.
L’impérieux amour conduit leurs pas errants
Sur le sommet des monts, à travers les torrents :
Surtout, lorsqu’aux beaux jours leur fureur se ranime,
D’un rocher solitaire elles gagnent la cime.
Là, leur bouche brûlante, ouverte aux doux zéphyrs,
Reçoit avidement leurs amoureux soupirs :
Ô prodige inouï ! Le zéphyr les féconde.
Soudain du haut des rocs leur troupe vagabonde
Bondit, se précipite, et fuit dans les vallons ;
Non vers les lieux blanchis par les premiers rayons,
Mais vers les champs du nord, mais vers ces tristes plages
Où l’autan pluvieux entasse les orages.
C’est alors qu’on les voit, dans l’ardeur de leurs feux,
Distiller en courant l’hippomane amoureux ;
L’hippomane, filtré par la marâtre impie,
Qui joint au noir poison l’infernale magie.
Mais moi-même où m’entraîne, où m’égare l’amour ?
Revenons : le temps vole, et s’enfuit sans retour.