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La perte de sa gloire, et surtout d’une amante ;
Et, vers ces bords chéris tournant encor les yeux,
Abandonne l’empire où régnaient ses aïeux.
Mais l’amour le poursuit jusqu’en ces lieux sauvages :
Là, dormant sur des rocs, nourri d’amers feuillages,
Furieux, il s’exerce à venger ses affronts,
De ses dards tortueux il attaque des troncs ;
Son front combat les vents, son pied frappe la plaine,
Et sous ses bonds fougueux il fait voler l’arène.
Mais c’en est fait, il part, et, bouillant de désirs,
De l’orgueilleux vainqueur va troubler les plaisirs.
Tel, par un pli léger ridant le sein de l’onde,
Un flot de loin blanchit, s’allonge, s’enfle et gronde :
Soudain le mont liquide, élevé dans les airs,
Retombe : un noir limon bouillonne sur les mers.
Amour, tout sent tes feux, tout se livre à ta rage ;
Tout, et l’homme qui pense, et la brute sauvage,
Et le peuple des eaux, et l’habitant des airs.
Amour, tu fais rugir les monstres des déserts :
Alors, battant ses flancs, la lionne inhumaine
Quitte ses lionceaux et rôde dans la plaine ;
C’est alors que, brûlant pour d’informes appas,
Le noir peuple des ours sème au loin le trépas ;
Alors le tigre affreux ravage la Libye :
Malheur au voyageur errant dans la Nubie !
Si le coursier fougueux sent l’attrait du plaisir,
Voyez-vous tout son corps frissonner de désir ?
Il ne sent plus le fouet, ne connaît plus les rênes ;
Il vole ; il franchit tout, et les bois et les plaines,
Et les rocs menaçants, et les gouffres profonds,
Et les torrents enflés par les débris des monts.
L’horrible sanglier se prépare à la guerre ;
Il aiguise sa dent, il tourmente la terre :
Contre un