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Des routes de l’amour l’embonpoint inutile
Aux germes créateurs ouvre un champ moins fertile.
Dès que son sein grossit, tous nos soins lui sont dus,
Et le soc et le char lui seront défendus.
Je ne veux plus la voir bondir dans les campagnes,
Lutter contre un torrent, gravir sur les montagnes :
Qu’elle paisse en des prés où les plus clairs ruisseaux
Parmi des bords fleuris roulent à pleins canaux,
Où le sommeil l’invite au fond d’un antre sombre,
Où des rochers voisins versent le frais et l’ombre.
Surtout je crains pour elle et la rage et le bruit
Des insectes ailés que la chaleur produit.
Aux rives du Silare, où des forêts d’yeuses
Prolongent dans les champs leurs ombres ténébreuses,
Vole un insecte affreux, que Junon autrefois,
Pour tourmenter Io, déchaîna dans les bois.
Aux bourdonnements sourds de son aile bruyante,
Tout un troupeau s’enfuit en hurlant d’épouvante :
De leurs cris furieux le Tanagre frémit,
La forêt s’en ébranle, et l’Olympe en gémit.
Fais donc paître la mère au soir ou dès l’aurore,
Lorsque de son hymen les fruits sont près d’éclore.
Sont-ils nés ? à tes soins ils ont droit à leur tour.
Marque au front de chacun quel sort l’attend un jour :
Les uns sont du troupeau l’espérance certaine ;
D’autres d’un soc tranchant déchireront la plaine ;
D’autres pour les autels de fleurs seront parés,
Et le reste au hasard bondira dans les prés.
Ceux qu’on destine au soc, il faut dès leur jeune âge
Discipliner au joug leur docile courage.
Sur son cou libre encor, ton jeune nourrisson
Porte un collier flottant pour première leçon :
Bientôt deux compagnons, qu’un joug d’osier rassemble,