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Imite de ces rangs l’exacte symétrie,
Non pour flatter les yeux par ta vaine industrie ;
Mais chaque tige ainsi peut croître en liberté,
Et le suc se partage avec égalité.
Apprends aussi combien tu dois creuser la terre,
Qui de tes jeunes plants sera dépositaire.
Comme tes nourrissons diffèrent en grandeur,
Il faut que leur berceau diffère en profondeur.
Dans un léger sillon la vigne croît sans peine ;
L’arbre doit plus avant s’enfoncer dans la plaine,
Surtout le chêne altier, qui, perdu dans les airs,
De son front touche aux cieux, de ses pieds aux enfers.
Aussi les noirs torrents, les vents et la tempête,
En vain rongent ses pieds, en vain battent sa tête :
Malgré les vents fougueux, malgré les noirs torrents,
Tranquille, il voit passer les hommes et les temps ;
Et loin de tous côtés tendant ses rameaux sombres,
Seul il jette alentour une immensité d’ombres.
N’attends rien d’une vigne exposée au couchant :
Que le vil coudrier n’affame point ton plant :
Fais choix, pour le former, de la branche nouvelle
Qui reçoit de plus près la sève maternelle ;
Ne la déchire point par un fer émoussé :
Surtout que de tes plants l’olivier soit chassé.
Quelquefois de bergers une troupe imprudente
Laisse au pied de cet arbre une étincelle ardente.
Le feu, nourri du suc dont ce bois est enduit,
Sous l’écorce onctueuse en secret s’introduit ;
Il s’empare du tronc, et, gagnant le feuillage,
Dévore en pétillant l’aliment de sa rage ;
Il court de branche en branche, il s’élance au sommet,
Il vole d’arbre en arbre, il couvre la forêt ;