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La hauteur de l’herbage annonce un fonds humide :
Ah ! De ces jeunes blés crains la beauté perfide !
De la couleur du sol l’œil décide aisément,
Et la main de son poids t’informe sûrement :
Mais son froid meurtrier coûte plus à connaître ;
Quelquefois cependant les plantes qu’il fait naître,
Le pin, le lierre noir, les ifs contagieux,
De ce défaut secret avertiront tes yeux.
Enfin à ton vignoble as-tu choisi sa terre ?
Dès lors, pour la dompter, qu’on lui fasse la guerre.
Il faut entrecouper le penchant des coteaux,
Et retourner la glèbe élevée en monceaux ;
Que les froids aquilons, que l’hiver la mûrissent,
Et que tes bras nerveux sans cesse l’amollissent.
Si tu le peux encor, que le cep transplanté,
Retrouve un sol pareil au sol qu’il a quitté :
Le jeune arbuste ainsi jamais ne dégénère,
Et ne s’aperçoit pas qu’il a changé de mère.
Plusieurs même, observant dans l’endroit dont il sort,
Quel côté vit le sud, et quel côté le nord,
Conservent ces aspects qu’ils gravent sur l’écorce.
Tant de nos premiers ans l’habitude a de force !
Mais avant de creuser, de peupler les sillons,
Il faut choisir d’abord de la plaine ou des monts.
On peut presser les rangs dans de grasses campagnes ;
On doit les élargir au penchant des montagnes :
Enfin dans les vallons, comme sur les coteaux,
Qu’ils soient distribués en espaces égaux.
Vois de longs bataillons rangés sur une plaine
Où flotte de l’airain la lueur incertaine,
Avant qu’un choc affreux confonde tous ces bras,
Quand Mars prélude encore à l’horreur des combats,