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Lorsque, auprès des taureaux immolés à leur gloire,
Le toscan, sous ses doigts, fait résonner l’ivoire.
Voudrais-tu faire envie aux bergers tes rivaux ?
Les forêts de Tarente appellent tes troupeaux :
Va dans ces prés ravis à ma chère Mantoue,
Où le cygne argenté sur les ondes se joue ;
Là tout rit aux pasteurs, la beauté du vallon,
La fraîcheur des ruisseaux, l’épaisseur du gazon ;
Et tout ce qu’un long jour consume de pâture,
La plus courte des nuits le rend avec usure.
Enfin pour le froment choisis ces terrains forts,
Pleins de sucs au dedans, noirâtres au dehors,
Dont la terre est broyée, et pour qui la nature
Semble avoir épargné les frais de la culture.
Aucun champ ne verra tant de bœufs attelés
T’apporter à pas lents le tribut de ses blés.
Tel encor ce terrain couvert d’un bois stérile,
Que son maître rougit de laisser inutile.
D’une main indignée il y porte le fer,
Détruit les vieux palais des habitants de l’air :
L’oiseau tremblant s’enfuit de ses toits qu’on ravage,
Et le soc rajeunit cette plaine sauvage.
Mais fuis ce mont pierreux, dont le maigre terrain
Offre à peine à l’abeille un humble romarin ;
Fuis de ce tuf ingrat la rudesse indocile,
Et ce fonds plein de craie où gît l’affreux reptile ;
Aucun champ ne fournit à ses enfants impurs
Ni d’aliments plus doux, ni d’asiles plus sûrs.
Pour ce terrain poreux où l’air trouve un passage,
Qui pompe sa vapeur et l’exhale en nuage ;
Que tapisse à nos yeux un gazon toujours frais,
Où le coûtre brillant ne se rouille jamais,
Ce fonds se prête à tout, pourvu qu’on le cultive :
Il se couvre d’épis, il fait mûrir l’olive ;
La vigne, si je veux, s’y marie aux ormeaux,