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Veut-on boire un vin fort ? On choisit l’Aminée,
Vainqueur heureux du Tmole, et même du Phanée.
Argos est renommé par ses vins bienfaisants,
Dont la sève résiste à l’injure des ans.
Et toi, divin nectar que Rhodes nous envoie,
Du convive assoupi viens réveiller la joie.
Puis-je encore oublier ces énormes raisins...
Mais qui pourrait compter et nommer tous ces vins ?
On compterait plutôt sur les mers courroucées
Les vagues, vers les bords par l’aquilon poussées ;
On compterait plutôt, dans les brûlants déserts,
Les sables que les vents emportent dans les airs.
Tout sol enfin n’est pas propice à toute plante :
Le saule aime une eau vive, et l’aune une eau dormante ;
Le frêne veut plonger dans un coteau pierreux :
Au bord riant des eaux les myrtes sont heureux.
Le soleil sur les monts cuit la grappe dorée ;
Et l’if s’épanouit au souffle de Borée.
De l’aurore au couchant parcourons l’univers.
Les différents climats ont des arbres divers :
Chez l’arabe l’encens embaume au loin la plaine ;
Sur les rives du Gange on voit noircir l’ébène.
Là d’un tendre duvet les arbres sont blanchis,
Ici d’un fil doré les bois sont enrichis ;
Le Nil du vert acanthe admire les feuillages ;
Le baume, heureux Jourdain, parfume tes rivages ;
Et l’Inde au bord des mers voit monter ses forêts
Plus haut que ses archers ne font voler leurs traits.
Vois les arbres du Mède et son orange amère,
Qui, lorsque la marâtre aux fils d’une autre mère
Verse le noir poison d’un breuvage enchanté,
Dans leur corps expirant rappelle la santé.
L’arbre égale en beauté celui que Phébus aime ;
S’il en avait l’odeur, c’est le laurier lui-même.
Sa feuille sans effort ne se peut arracher ;
Sa fleur résiste au doigt qui la veut détacher,