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peut différer sans crime ; et, partageant nos fêtes, accoutumez-vous dès l’heure même aux banquets d’un allié. »

Il dit, et fait un signe : aussitôt les mets et les coupes, un moment disparus, ont de nouveau chargé les tables. Lui-même, il place les compagnons d’Énée sur des bancs de gazon, présente à leur chef magnanime un siége d’érable, où s’étend la dépouille d’un lion sauvage, et l’invite à s’asseoir sur ce trône rustique. Alors, précédés du pontife, des jeunes gens choisis s’empressent de servir les chairs brûlantes des victimes, font circuler dans des corbeilles les présens de Cérès, et prodiguent à la ronde la douce liqueur de Bacchus. Devant le fils d’Anchise, devant les braves d’Ilion, fume la part des héros, le dos entier d’un bœuf, et ses entrailles, honneur du sacrifice.

Lorsque, souriant aux convives, l’abondance a chassé la faim, le vieux monarque prend la parole : « Ces pompes solennelles, ce religieux festin, cet autel que l’encens parfume, noble étranger, ce n’est point une vaine superstition, ce n’est point l’oubli sacrilége du culte de nos pères qui les établirent parmi nous. Sauvés de la mort par un dieu, nous révérons un dieu libérateur ; et chaque année se renouvellent nos hommages reconnaissans.

Voyez-vous d’abord, sur ces rocs, ce roc suspendu dans les airs ? Voyez-vous ces masses au loin gisantes, arrachées de ses flancs, et cet antre désert qui fuit sous la montagne, et ces vastes ruines, amas de roches écroulées ? Là se creusait une caverne, souterrain immense et sans fond,