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point ton grand cœur : déjà le ciel s’apaise, sa colère est prête à s’éteindre. Un vain songe, crois-moi, n’abuse point tes esprits. Bientôt, sous les chênes de mes rives, tu verras, couchée sur la verdure et fière de sa récente portée, une laie blanche, pressant autour de ses mamelles trente nourrissons aussi blancs que leur mère. C’est là ce qu’est marquée la place des remparts de Lavinie, là qu’un sort plus doux te réserve un port sûr après tant d’orages. Plus loin, fondés par Iule, quand six lustres seront accomplis, d’autres murs non moins fameux devront leur gloire au nom d’Albe. Ce présage est certain. Mais quelle force, égale au péril, t’en fera triompher ? … Prête une oreille attentive, et retiens mes derniers avis. Dans mes parages habite un peuple issu de l’Arcadie, et valeureux sang de Pallas. Arrivés en ces lieux sous la conduite et les drapeaux d’Évandre, ils y bâtirent ce Pallantée sur la cime des montagnes, Pallantée, ce dont le nom rappelle celui de leur antique monarque. Sans cesse une haine jalouse arme contre eux la nation latine. Ouvre tes camps à leurs cohortes, et qu’un pacte commun vous ligue contre un commun danger. Moi-même, guidant tes navires sur mes eaux favorables, j’aiderai tes rameurs à remonter mon cours. Lève-toi, fils de Vénus ; et dès que fuiront les étoiles, paie à Junon le tribut ce de ton culte, et par d’humbles prières fléchis son courroux menaçant. Vainqueur, un jour tu m’adresseras des vœux. Je suis le Tibre, ce fleuve bienfaiteur que tu vois rouler à pleins bords les trésors