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de nuire, s’élance de son repaire au faîte de l’étable ; et, debout sur le comble, embouchant l’airain des pasteurs, le monstre fait rugir dans la trompe recourbée son infernal organe. À ces horribles sons, les bois émus s’ébranlent ; et, comme au bruit d’un long tonnerre, ont mugi les forêts profondes. Le fracas en retentit au loin jusqu’au lac de Diane, jusqu’au Nar sulfureux aux ondes blanchissantes : le Vélino suspend d’effroi sa course vagabonde ; et les mères, pâles de terreur, pressent contre leur sein leurs nourrissons tremblans.

Soudain, de tous les lieux où pénètrent ces accens formidables, se précipite en armes le peuple effréné des campagnes. Non moins impétueux, les Troyens fondent, pour défendre Iule, de leur camp dans la plaine. Déjà les rangs sont formés. Ce n’est plus un combat rustique, où l’on s’attaque en désordre avec des troncs informes et des pieux noircis dans la flamme : c’est au tranchant du glaive que la rage en appelle. Des milliers d’épées nues hérissent au loin les champs d’une affreuse moisson. L’airain étincelle, frappé du soleil qu’il défie, et le feu des éclairs qu’il renvoie rejaillit jusqu’aux nues. Telles, quand les flots commencent à blanchir au premier souffle des tempêtes, les vagues s’enflent par degrés ; par degrés s’amoncellent de liquides montagnes ; et bientôt, du fond des abîmes, les mers bondissent jusqu’au ciel.

Au front des bandes latines marchait le jeune Almon, l’aîné des enfans de Tyrrhée. Un dard siffle et le renverse. Le fer lui traverse la gorge, et dans leur route humide arrête, sous des flots de sang,