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Mais je n’ai point armé la Nymphe de traits homicides, je n’ai pas mis dans ses mains l’arc messager de la mort : j’en jure par les eaux du Styx, par ce fleuve inexorable, seule puissance infernale que redoutent les puissances célestes. Oui, c’en est fait, je cède ; et Junon, lasse de discordes, abjure aujourd’hui les combats. Je n’implore de vous qu’une grâce, une grâce indépendante des arrêts du destin ; je l’implore et pour la gloire du Latium, et pour la majesté des rois issus de votre sang. Qu’un heureux hyménée cimente bientôt la paix, j’y consens ; que des lois communes, un traité fraternel, unissent les deux nations, j’y souscris : mais ne condamnez pas les Latins à perdre leur ancien nom ; le peuple que ces contrées virent naître, ne le contraignez pas à devenir Troyen, à changer de langage, à prendre un habit étranger. Que l’antique Latium subsiste à jamais ; qu’Albe et ses rois triomphent d’âge en âge ; que Rome doive un jour sa puissance à la valeur italienne : Troie a péri ; souffrez que périsse avec elle jusqu’au souvenir de son nom. »

À ces mots, un doux sourire brille sur le visage du père de la nature : « Eh quoi ! vous, sœur de Jupiter, vous, fille de Saturne, votre âme s’abandonne ainsi aux tempêtes de la colère ! Mais apaisez de vains transports, et modérez ces fureurs inutiles : je me rends à vos vœux, et ma complaisance vous accorde sans peine un triomphe qui vous flatte. Les enfans de l’Ausonie conserveront leur langue maternelle et leurs mœurs accoutumées : le nom qu’ils portent,