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fatal de son épouse, il tremble encore pour ses murs chancelans. Combien il se reproche sa coupable faiblesse ! ah, que n’a-t-il accepté plus tôt l’alliance du magnanime Énée ! que ne l’a-t-il admis plus tôt à l’hymen de Lavinie !

Cependant Turnus, égarant son courage aux extrémités de la plaine, poursuivait les débris épars de quelques légions : mais son essor est moins rapide, et sa fougue ralentie presse plus mollement le vol de ses coursiers. Tout à coup les vents ont apporté jusqu’à lui les cris tumultueux d’une aveugle terreur : il écoute ; et son oreille attentive frémit au bruit confus, au lugubre murmure de la ville en alarmes. « Dieux ! qu’entends-je ? Pourquoi ce trouble affreux dans la triste Laurente ? Quelles horribles clameurs s’en élèvent de toutes parts ? » Il dit ; et pâle, ramenant à lui les guides, il suspend sa course lointaine.

Juturne, qui, toujours cachée sous les traits de Métiscus, dirigeait encore et le char, et les coursiers, et les rênes, Juturne a pressenti le dessein de son frère. « Par ici, Turnus ! s’écrie-t-elle : achevons de nettoyer ces plaines, et suivons la route que nous a tracée la victoire. Assez d’autres, le fer en main, sauront garantir nos remparts. Énée pousse ailleurs les Latins, et dévoue leurs rangs au carnage : nous, d’un bras impitoyable, portons ici la mort aux bataillons troyens. Ce combat n’offre à Turnus ni moins de victimes à moissonner, ni moins de lauriers à cueillir. » Le héros lui répond : « Ô ma sœur ! mes yeux t’ont reconnue dès l’instant que