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s’agite en ses remparts de cire, et par de longs bourdonnemens s’excite à la vengeance : une vapeur infecte inonde leurs cellules ; la ruche ténébreuse retentit d’un bruit sourd ; et la fumée qui s’en exhale monte en tourbillons dans les airs.

Aux maux dont les Latins gémissent vient se joindre un nouveau désastre, qui plonge la ville entière dans le deuil et l’effroi. La reine, du haut de son palais, a vu l’ennemi s’avancer ; elle a vu Laurente investie, et les brandons volant sur ses toits embrasés : mais, hélas ! ni les phalanges rutules, ni les bataillons de Turnus, ne paraissent pour la défendre. Infortunée ! elle croit que le héros a perdu la vie dans l’horreur du carnage ; et tout à coup, égarée par la douleur : « C’est moi, s’écrie t-elle, c’est moi qui suis la cause des calamités de l’empire ; le malheur public est mon crime ! » Dans la noire fureur qui trouble sa raison, elle maudit cent fois et le jour et les dieux, déchire d’une main forcenée ses vêtemens de pourpre, et, nouant au plafond doré son écharpe en lambeaux, expire suspendue à ces liens honteux. Au bruit de sa fin tragique, les dames latines éclatent en longs sanglots : Lavinie la première, Lavinie, sa tendre fille, arrache ses beaux cheveux et meurtrit ses joues de roses ; autour d’elle, ses fidèles compagnes partagent ses douloureux transports : le palais retentit au loin de plaintes lamentables. Bientôt la Renommée publie dans l’immense cité cette accablante nouvelle. Tous les cœurs sont brisés : le vieux monarque déchire ses habits, et souille ses cheveux blancs d’une indigne poussière ; épouvanté du sort