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ne subit la loi du vainqueur, je les renverse aujourd’hui même, et j’en égale au niveau du sol les débris embrasés. Quoi donc ! j’attendrai qu’il plaise à Turnus de s’offrir à mes coups, qu’il daigne, vaincu deux fois, avouer ma victoire ! c’est de là, compagnons, que part une guerre impie : c’est là qu’il faut l’éteindre dans le sang des parjures. Courez, armez-vous de torches ardentes ; et, la flamme à la main, vengeons la foi des traités violés. »

Il parle : à l’instant ses guerriers, brûlant de l’ardeur qui l’anime, se forment en colonnes, et fondent sur les remparts en épais bataillons. Déjà les échelles sont dressées, déjà brillent les feux destructeurs. Les uns volent aux portes, et massacrent les gardes avancés ; les autres lancent une grêle de dards, et noircissent les airs d’un nuage de traits. Lui-même aux premiers rangs, Énée foudroie les murailles : les mains levées au ciel, d’une voix tonnante, il accuse Latinus, et prend les dieux à témoin de sa propre innocence : « On le condamne, s’écrie-t-il, à reprendre les armes ; deux fois les Latins ont allumé la guerre, deux fois ils ont violé les pactes les plus saints. » La discorde éclate parmi les pâles habitans : ici la peur veut qu’on livre les portes, qu’on ouvre Laurente aux Troyens ; et la foule éperdue entraîne aux remparts le monarque lui-même : ailleurs, le désespoir court aux armes et dispute au vainqueur des ruines fumantes. Tel frémit, enfermé dans le creux d’une roche, l’essaim dont un pasteur a surpris la retraite, et rempli les demeures d’une fumée fétide : le peuple ailé, tremblant pour son salut,