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mort à ce peuple éperdu que la frayeur emporte ; il épargne et ceux dont le glaive ose l’affronter de près, et ceux dont les traits plus timides le harcèlent de loin : au milieu de la nuit poudreuse qui couvre la mêlée, il ne cherche, il ne suit que Turnus, c’est Turnus seul qu’il appelle au combat.

Réveillée par le péril même, la généreuse Juturne court au char de son frère, en précipite Métiscus, son fidèle écuyer, le fait rouler parmi les rênes, et le laisse étendu loin du timon abandonné : la Nymphe aussitôt le remplace, saisit entre ses mains les guides ondoyantes, et vole, cachée sous les traits de Métiscus : c’est sa voix, et son port, et ses armes ; c’est Métiscus lui-même. Comme on voit la noire hirondelle voltiger autour des vastes demeures qu’habite l’opulence, en raser d’une aile légère les immenses parvis, et, cherchant l’humble pâture qu’attend son nid babillard, frapper de son cri vagabond tantôt les portiques déserts, tantôt les humides étangs : telle Juturne, pressant au milieu des phalanges ses rapides coursiers, fait voler de rangs en rangs son char impétueux, tour à tour montre en mille endroits son frère triomphant, et, l’arrachant toujours au combat qu’elle redoute, le fait errer de détours en détours.

Non moins ardent à le poursuivre, Énée décrit tous les cercles qu’a décrits son rival ; il ne quitte point sa trace ; et sa voix, à travers les bataillons rompus, appelle Turnus à grands cris. Mais chaque fois qu’il rencontre sa vue, et qu’il est près d’atteindre en sa course rapide le vol des coursiers fugitifs, chaque fois le char tourne, et s’échappe aussi prompt