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fer à la main, troubler la paix de cet empire. Mais si Mars favorable fait triompher mon bras (et puissent les dieux, en qui j’espère, ne pas tromper mon attente !), je ne prétends point asservir l’Ausonie aux enfans de Pergame, je ne prétends point usurper le sceptre des Latins. Que les deux peuples, soumis aux mêmes lois, et toujours invincibles, se jurent une éternelle alliance. Je leur donnerai mon culte et mes dieux : que Latinus, en me donnant sa fille, ordonne seul et de la paix et de la guerre ; qu’il commande seul en souverain. Bâti par les Troyens, un autre Dion me recevra dans ses murs, et Lavinie leur donnera son nom. » Énée se tait. Latinus, les yeux au ciel et les mains étendues vers la plaine éthérée, s’exprime à son tour en ces mots : « J’en atteste comme vous, Énée, j’en atteste la Terre, et la Mer et les Cieux ; j’en atteste le couple enfant de Latone, et Janus au double visage, et les puissances de l’Enfer, et les manoirs de l’inexorable Pluton. Que Jupiter m’entende, Jupiter, dont la foudre est le garant des traités ! La main sur les autels, j’en jure et par leurs feux inviolables, et par les dieux qu’on y révère : jamais, quoi que le sort décide, les Latins, rompant la paix, ne briseront les nœuds d’un pacte solennel ; jamais Latinus, entraîné par la force, n’y permettra la moindre atteinte. Que plutôt la terre, engloutie par les ondes, se confonde avec elles dans un affreux déluge ! que plutôt l’Olympe écroulé s’abîme au fond du Tartare ! Ma parole est immuable. Ainsi ce sceptre, qui décore mes mains royales, ne verra