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plus à t’appeler moi-même au rang des immortelles. Eh bien ! connais ton malheur, Juturne, et n’accuse point Junon. Tant que le sort a semblé le permettre, tant que les Parques ont vu sans colère la prospérité des Latins, j’ai protégé Turnus et tes murs favoris. Aujourd’hui Turnus, hélas ! court affronter une lutte inégale : l’heure des Parques approche, et déjà s’est levé le bras de fer du destin. Non, je ne puis voir, sous mes yeux, ce combat cruel, cet accord impie. Toi, si l’amour d’un frère inspire ton courage, qui t’arrête ? ose tout : peut-être le hasard servira l’infortune. » À ces mots, un torrent de larmes coule des yeux de Juturne : trois fois, de sa main tremblante, elle meurtrit son sein délicat. « Ce n’est pas le moment des pleurs, reprit la fille de Saturne. Vole, et, s’il est possible, arrache un frère à la mort : vole, dis-je ; rallume les combats, romps un pacte odieux ; c’est Junon qui t’en presse. » Tels étaient ses conseils. La déesse, en finissant, quitte la Nymphe incertaine, et l’abandonne au trouble douloureux dont son cœur est agité.

Au même instant arrivent les monarques de l’Ausonie. Latinus, dans tout l’éclat du trône, s’avance monté sur un pompeux quadrige : autour de son front radieux brillent douze rayons d’or, symbole du Soleil, dont il est descendu. Ensuite paraît Turnus, porté sur un char que traînent deux chevaux blancs, et balançant dans ses mains deux javelots armés d’un large fer. Non loin marche à son tour le père des