Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/405

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
401
L’ÉNÉIDE, LIV. XII.

consolation dans mes peines, vous l’appui de Latinus, de son empire et de sa gloire, vous, enfin, sur qui se fonde toute entière une illustre maison, prête à tomber sans vous. Au nom de tous les dieux ! n’allez pas mesurer vos armes contre les armes du Troyen. Quels que soient les périls que cette lutte vous réserve, ces périls sont les miens, Turnus : avec vous, j’abandonne une vie odieuse ; et je ne verrai pas, captive d’un brigand, ma fille dans les bras d’Énée. »

Ce discours d’une mère arrache des larmes à Lavinie : ses joues brûlantes en sont baignées. Un feu subit les colore d’une rougeur modeste, et court en traits de flamme sur son front virginal. Comme éclate l’ivoire, dont la pourpre a nuancé l’albâtre ; comme rougit la blancheur des lis, mêlés à l’incarnat des roses : tel brillait, sur le visage de la jeune princesse, le fard aimable de la pudeur. Le héros, transporté d’amour, cherche en vain sa raison. Il dévore des yeux tant de charmes. Sa fureur guerrière s’en accroît ; et s’adressant à la plaintive Amate : Cessez, de grâce, ô ma mère ! cessez de m’opposer vos larmes ; et qu’un présage sinistre ne ferme point à mon audace le champ périlleux du courage : non ; dût-il périr, Turnus ne peut plus différer. Vole, Idmon, messager fidèle ; porte à l’insolent Phrygien ce cartel, qui rabattra son orgueil : demain, dès que l’Aurore, montée sur son char vermeil, aura rougi les cieux, qu’il s’abstienne de mener ses bandes contre mes bataillons ; que les Troyens et les Rutules laissent reposer leurs armes ; que mon