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L’ÉNÉIDE, LIV. XII.

par le glaive la querelle commune ; ou la victoire lui soumettra les vaincus, Lavinie sera sa conquête. »

Latinus plus calme lui répond avec bonté : « Héros magnanime, plus votre grand cœur s’abandonne à ses nobles élans, plus ma sagesse doit écouter pour vous les conseils de la prudence, et balancer avec inquiétude les hasards de vos destinées. Fils de Daunus, son empire est votre apanage ; vous avez pour domaines de nombreuses cités conquises par votre vaillance ; Latinus vous aime, et ses trésors sont à vous : mais le Latium, mais Laurente et son territoire, possèdent d’autres beautés dont l’hymen peut tenter un roi, et dont l’illustre origine n’est pas indigne de la vôtre. Souffrez un aveu qui me coûte, mais que la vérité m’arrache. Le ciel me défendait d’unir à ma fille aucun de ceux qui les premiers me demandèrent sa main : ainsi l’annonçaient les oracles et des dieux et des hommes. Vaincu par ma tendresse pour vous, vaincu par les liens du sang, et par les larmes d’une épouse désolée, j’ai brisé les nœuds les plus saints, j’ai rompu l’hyménée promis, j’ai levé l’étendard d’une guerre sacrilège. Depuis ce moment fatal, vous voyez, Turnus, quels malheurs me poursuivent, quelles guerres cruelles dévastent mes états, quels affreux périls vous courez vous-même tous les jours. Défaits dans deux grands combats, nous soutenons à peine à l’ombre de ces murailles l’espoir douteux de l’Italie ; les eaux du Tibre fument encore de notre sang, et nos vastes campagnes sont blanchies des ossemens de nos guerriers. Quel vertige me fait