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mes derniers avis… Qu’il accoure, qu’il remplace Camille au combat, qu’il sauve Laurente des fureurs du Troyen… Adieu, je meurs. » Elle dit ; sa main laisse échapper les rênes : son corps, entraîné vers la terre, glisse de son coursier : un long frisson court dans ses membres défaillans : son cou délicat se penche, et sa tête qu’appesantit la mort retombe sur son sein : elle abandonne ses armes, et son âme indignée fuit en gémissant chez les ombres. Soudain, s’élevant de toutes parts, un cri de rage frappe l’Olympe radieux : Camille au tombeau ranime le carnage. On se presse, on s’élance ; et les phalanges troyennes, et la fleur des Étrusques, et les escadrons d’Évandre, tous marchent, combattent, expirent ou triomphent ensemble.

Cependant, docile aux ordres de Diane, Opis veillait depuis long-temps, assise au sommet des montagnes ; et de là, son œil sans effroi contemplait la mêlée. Tout à coup, à travers les clameurs des soldats furieux, elle aperçoit au loin Camille étendue, victime d’un trépas funeste : elle en soupire, et son âme attristée exhale en ces mots sa douleur :

« Que tu paies cher, hélas, ô guerrière infortunée ! que tu paies cher l’honneur d’avoir combattu les Troyens ! C’est donc en vain que ton enfance solitaire s’est vouée dans les bois au culte de Diane ! c’est donc en vain que tes jeunes épaules ont porté nos flèches légères ! Console-toi pourtant ; Diane a pris soin de ta gloire en tes derniers momens : ta mort ne sera pas sans lustre parmi les nations, et tu ne subiras point la honte d’un trépas sans vengeance.