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divin Apollon ! protecteur du Soracte et de ses bois religieux ! toi, dont le culte a nos premiers hommages ; toi, pour qui les pins de nos montagnes alimentent les flammes d’un éternel bûcher ; pour qui, dans l’ardeur d’un saint zèle, nous bravons ces feux dévorans, et foulons d’un pas ferme leurs brasiers allumés : dieu puissant ! fais que ce dard vengeur lave la honte de nos armes. Ce n’est point la dépouille d’une femme, ce n’est pas son armure conquise, vains trophées d’un triomphe facile, qu’ambitionne ma valeur : d’autres exploits signaleront mon bras. Mais que cette furie tombe et meure sous mes coups ; je consens à retourner sans gloire aux murs qui m’ont vu naître. »

Phébus entend sa prière ; Phébus exauce une part de son vœu, et laisse l’autre moitié se perdre dans le vague des airs. L’infortunée Camille périra, sous le fer d’Arruns, d’un trépas inattendu ; le dieu l’accorde au guerrier suppliant : mais son antique patrie ne le verra point de retour ; Apollon s’y refuse ; et les vents emportent un souhait inutile, égaré dans les nues. À peine le javelot bruyant, échappé de la main d’Arruns, a sifflé dans les airs ; les rangs étonnés suspendent leurs combats, et de toutes parts les Volsques ont jeté les yeux sur leur reine. Seule insensible au péril, elle ne voit, elle n’entend ni le frémissement des airs, ni le bruit, ni le vol du trait meurtrier qui la cherche ; quand soudain la pointe cruelle vient frapper son sein nu, le déchire, et, s’y plongeant toute entière, s’abreuve de