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lui-même, étends-le dans la poudre ; et qu’il expire sous tes coups, aux pieds de nos murailles ! »

Ailleurs Turnus, appelant les combats, s’est précipité sur ses armes. Déjà couvert de sa fidèle cuirasse, il en étale avec fierté les écailles d’airain : bientôt il a revêtu ses brillans cuissards : la tête encore nue, mais le flanc ceint du glaive, il accourt de la citadelle, tout resplendissant d’or : l’audace éclate dans sa démarche altière, et son bouillant courage déjà triomphe en espoir. Tel, brisant ses entraves, le coursier, libre enfin, s’arrache à l’ennui des étables, et franchit à son gré l’immensité des plaines : tantôt il vole aux pâturages que cherchent ses amantes ; tantôt, se confiant au fleuve accoutumé, il court, plonge et se joue dans ses ondes connues : sa tête se dresse avec orgueil, ses longs hennissemens font retentir les airs, et ses crins livrés aux zéphyrs battent son cou nerveux et ses larges épaules.

En ce moment Camille, suivie des Volsques sous les armes, s’avançait vers le prince rutule. À peine parvenue aux portes de la ville, la reine s’élance légèrement du coursier qui la porte : ses guerriers l’imitent à l’instant, et, descendus comme elle de leurs coursiers dociles, tous ont mis pied à terre. Alors élevant la voix : « Turnus, dit-elle, s’il est permis d’écouter l’instinct de sa valeur, me voici ; j’offre d’affronter seule la cavalerie troyenne, d’arrêter seule les escadrons étrusques. Souffrez que mon bras tente les premiers hasards du combat : vous, à la tête de vos phalanges, restez sous les murs, et protégez les remparts. » Turnus