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pouvait-il lui-même, ô Pallas, souhaiter à ta cendre de plus nobles funérailles que celles dont t’honorent aujourd’hui le pieux fils d’Anchise, et les héros phrygiens, et les chefs de Tyrrhène, et leurs nombreuses légions ? Ces trophées que leurs mains promènent, ce sont ceux de ta gloire : tu les arrachas aux Rutules expirés sous tes coups. Toi aussi, fier Turnus, ton simulacre, et tes armes captives orneraient ce deuil triomphal, si l’âge de mon fils eût égalé ton âge, si sa vigueur eût, comme la tienne, été mûrie par les années. Mais hélas ! pourquoi ces plaintes inutiles ? c’est tenir trop long-temps oisive la valeur troyenne. Allez, et qu’un récit fidèle porte ces mots à votre roi. Si je supporte encore la vie, la vie que je déteste lorsque Pallas n’est plus, c’est que j’attends, Énée, une victime de ton bras : oui, ton bras doit Turnus au sang du fils, aux pleurs du père ; c’est le seul bien qu’ils puissent espérer désormais et de la fortune et de toi. Des plaisirs dans la vie ! Évandre, hélas ! n’en cherche plus, ne peut plus en chercher : mais que Turnus périsse ; et que j’en porte au moins la nouvelle à mon fils, dans le séjour des ombres ! »

Cependant l’Aurore, en rendant aux misérables mortels le bienfait de la lumière, a ramené leurs travaux et leurs peines. Déjà le sage Énée, déjà le vigilant Tarchon, avaient élevé le long du rivage les bûchers dus aux morts : là, suivant l’usage de ses pères, chacun porte en pleurant les restes inanimés d’un frère ou d’un ami : les feux s’allument, et leur noire fumée enveloppe au loin les cieux de vapeurs