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les captifs dévoués aux mânes de Pallas, et dont le sang répandu doit arroser la cendre : à côté marche l’élite des vainqueurs, portant sur des tronçons de lances les trophées de leur victoire, et le nom des vaincus inscrit sur leur armure. Conduit parmi les rangs, le malheureux Acétès, que la vieillesse et le chagrin accablent, tantôt se frappe la poitrine, tantôt se meurtrit le visage, tantôt se roule dans la poussière en invoquant la mort. Viennent ensuite les chars teints du sang des Rutules. Puis le fier coursier de Pallas, Éthon, affligé, sans parure, s’achemine en pleurant ; et de ses yeux gonflés coulent de grosses larmes. Derrière lui sont portés la lance et le casque de son généreux maître : les autres armes du fils d’Évandre sont au pouvoir de son vainqueur. Enfin s’avance un dernier groupe, et de soldats Troyens, et de guerriers Toscans, et de fidèles Arcadiens, morne et silencieuse escorte, marchant les armes renversées. Lorsque, allongée dans la plaine, la file gémissante a laissé le camp derrière elle, Énée s’arrête, et poussant un profond soupir : « Il faut nous séparer ; le sort affreux de la guerre nous appelle à d’autres pleurs. Salut, magnanime Pallas ! salut, adieu pour jamais ! » Il ne profère que ces mots ; et suivant le chemin des remparts, il regagne à pas lents l’enceinte de son camp.

Déjà venaient de s’y rendre les envoyés de Latinus : supplians, et l’olive en main, c’est pour les morts qu’ils sollicitent : « Refuserait-il aux Latins les corps de leurs guerriers, étendus sans vie sur le champ du carnage, et pourrait-il leur envier la faveur