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durs travaux. Agitées de vœux contraires, là Vénus, ici la fille de Saturne, ont les yeux attachés sur ces combats sanglans, et la pâle Tisiphone, au milieu des bataillons, échauffe et presse le carnage.

Cependant Mézence, agitant son énorme javeline, parcourt la plaine en frémissant : pareil au géant Orion, lorsque, traversant à grands pas les vastes gouffres de Neptune, il sillonne profondément les mers, et domine de ses larges épaules la surface des ondes ; ou, qu’appuyant d’un frêne antique sa taille colossale, il descend du haut des montagnes, et marche, foulant du pied la terre et cachant son front dans les nues. Tel s’avance, couvert de son immense armure, l’audacieux Mézence. À travers les rangs prolongés, le fils d’Anchise l’aperçoit, et soudain court à sa rencontre. Lui, sans terreur, il s’arrête, il attend son magnanime adversaire, et semble un roc affermi par sa masse. Puis mesurant des yeux l’espace que peut franchir son dard : « Ce bras, ce fer que je balance, voilà mes dieux ; qu’ils me secondent ! Je te dévoue, Lausus, les armes ravies au brigand : paré de ses dépouilles, tu seras le vivant trophée de sa honte et de ma victoire. » Il dit ; et fait voler sa lance, qui fend l’air en sifflant. Le trait, dans son bruyant essor, effleure le bouclier divin, et, poursuivant sa course, va déchirer les flancs du généreux Antor. Antor fut autrefois le compagnon d’Hercule ; associé depuis à la fortune d’Évandre, il quitta pour le suivre les rivages d’Argos, et se fixa dans l’Ausonie. L’infortuné ! atteint du coup fatal destiné pour un autre, il tombe, regarde encore le