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futurs ! trompeuse ivresse de la prospérité, qui les entraîne et les égare loin des bornes de la sagesse ! Le temps approche où Turnus voudra, mais en vain, racheter au poids de l’or le trépas de Pallas, et maudira trop tard ces funestes dépouilles et ce triomphe d’un moment. Cependant rassemblés autour de Pallas, ses compagnons gémissans, et les yeux baignés de pleurs, l’emportent tristement étendu sur ses armes. Ô deuil ! ô gloire pour Évandre ! Quel retour chez un père ! Jeune guerrier, ce jour vit tes premiers combats, ce jour vit tes derniers soupirs : mais du moins, dans les champs rutules, de vastes monceaux de morts ont marqué ton passage.

Ce n’est plus un vain bruit, c’est un messager trop fidèle qui vole instruire Énée d’un si grand malheur : « Les Troyens, ajoute-t-il, ne luttent qu’avec peine contre la mort qui les assiège : l’heure presse ; s’il n’accourt, ils cèdent, ils périssent. » Aussitôt Énée part : il moissonne, le glaive en main, tout ce qui s’offre à ses coups ; l’œil en feu, il s’ouvre avec le fer un large passage à travers les bataillons : c’est toi qu’il cherche, Turnus, toi dont l’orgueil s’enivre d’un sang qui fume encore. Pallas, Évandre, sont partout présens à ses yeux : cette table hospitalière qui l’accueillit sans faste, ces mains amies que la sienne a pressées, tout irrite sa colère. Il saisit vivans quatre guerriers fils de Sulmon, quatre guerriers enfans d’Ufens ; victimes dévouées aux mânes de Pallas, ils expieront sa mort, ils arroseront de leur sang captif les flammes de son bûcher.

Au même instant, il fait voler contre Magus une