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pour lui percer la gorge : d’un roc il frappe Thoas à la tête ; et soudain vole éparse, avec ses os brisés, sa cervelle sanglante. Trop sûr d’un avenir funeste, le père d’Halésus avait caché dans les forêts l’enfance de son fils : à peine la mort eut fermé la paupière blanchie du vieillard, les Parques jetèrent leurs mains cruelles sur le jeune infortuné, et le dévouèrent aux armes du fils d’Évandre. Avant de se mesurer contre lui, Pallas implore la divinité du rivage : « Donne en ce moment, dieu du Tibre, donne un heureux essor au fer ailé que je balance, et fais qu’il traverse le cœur du puissant Halésus : cette armure superbe, ces riches dépouilles du vaincu, j’en ornerai le chêne de tes bords. » Le dieu l’exauce : tandis qu’Halésus couvre Imaon désarmé, le malheureux livre lui-même au trait mortel son flanc resté sans défense.

À ce coup éclatant, les Rutules pâlissent ; mais un héros, l’espoir de son parti, Lausus, rassure leurs bataillons tremblans. Plus prompt que l’éclair, il étend à ses pieds le fier Abas ; Abas, le rempart des Étrusques et l’écueil des Latins : il terrasse et les enfans de l’Arcadie, et les guerriers Toscans : vous aussi, vous qu’épargna le fer des Grecs, celui de Lausus vous moissonne, ô généreux Troyens ! Les phalanges rivales se chargent avec furie ; les chefs sont égaux, les forces sont pareilles : les rangs pèsent sur les rangs ; et, dans les files plus serrées, l’espace manque au vol des javelots, au mouvement des bras. D’un côté, Pallas combat et tonne ; de l’autre, tonne et combat Lausus : tous deux encore dans la fleur du