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le bouclier, expirent inutiles ; Vénus attentive a détourné les autres, et le corps du héros en est à peine effleuré. Alors Énée s’adresse à son fidèle Achate : « Mes traits s’écrie-t-il ! oui, donne-moi ces traits qui tant de fois ont bu le sang des Grecs dans les champs d’llion. Ma main n’en balancera pas un qui ne soit fatal aux Rutules. » À ces mots, il saisit une énorme javeline, et la fait siffler dans les airs : elle vole, atteint, fracasse l’orbe d’airain dont Méon s’est couvert, et perce à la fois et sa cuirasse et sa poitrine. Alcanor accourt, et, d’une main fraternelle, soutient son frère dans sa chute : à l’instant, un second trait parti traverse le bras d’Alcanor, et, conservant sa vitesse, fuit au loin tout sanglant : la main de l’infortuné retombe, languissamment pendante à ses nerfs déchirés. Soudain Numitor, arrachant du corps de son frère l’homicide javeline, la lance contre Énée ; mais elle n’eut point la gloire de toucher le héros, et le coup égaré effleure la cuisse du grand Achate.

Dans ce moment Clausus, l’honneur de Cures, Clausus, bouillant de jeunesse et d’audace, s’élance fièrement, et d’un dard acéré frappe au loin Dryope : le fer pénètre au-dessous du menton, s’enfonce dans la gorge de sa victime, et lui ravit à la fois la parole et la vie : le malheureux guerrier heurte du front la terre, et sa bouche vomit un sang épais. Sous le même bras succombent ici trois jeunes Thraces, noble sang de Borée ; là trois enfans d’Idas, venus d’Ismare, qui les vit naître : leur trépas est semblable, mais leurs blessures sont différentes. Bientôt accourt