Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/245

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

illustre, dont l’origine n’est pas la même. Trois nations partagent son territoire ; sous chacune d’elle sont deux fois deux tribus ; Mantoue commande à leurs douze cités : c’est dans le sang étrusque que réside sa force. Armés contre Mézence, cinq cents guerriers en sont partis. Fils du vieux Bénacus, et le front couronné de roseaux verdoyans, le Mincio peint sur leur poupe frayait les ondes à leur nef menaçante. Enfin s’avance le pesant Aulestes : cent rameurs sous ses ordres battent péniblement les flots de leurs cent avirons : la vague blanchit au loin sur les mers bouillonnantes. Il monte l’énorme Triton, dont la conque épouvante les champs azurés d’Amphitrite : la moitié de son corps nage plongée dans les eaux ; sa poitrine velue offre les traits d’un homme, et son ventre allongé se termine en dauphin : l’onde écumante se brise en murmurant contre les flancs du monstre. Tant de guerriers choisis voguaient au secours de Pergame sur trois fois dix vaisseaux, et fendaient de leurs proues d’airain les liquides campagnes.

Déjà le jour avait quitté les cieux, et la paisible Phébé, roulant son char nocturne, atteignait dans l’Olympe la moitié de son tour. Énée, plein de ses grands projets, défend à ses yeux le sommeil : assis lui-même à la poupe, il dirige le timon, il gouverne les voiles. Tout à coup, au milieu de sa course, viennent s’offrir à sa rencontre les fidèles compagnes du héros ; ces Nymphes, qu’un bienfait de Cybèle avait dotées de l’empire des ondes, et qui, maintenant divinités des mers, furent jadis de légers navires : elles glissaient de front sur l’humide cristal, et