Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/227

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Ainsi parla Jupiter en peu de mots. Mais la belle Vénus exhale plus longuement ses plaintes : « Ô mon père, ô puissance éternelle que redoutent les mortels et les dieux ; vous, seul recours, hélas ! que je puisse encore implorer ! vous voyez à quelle audace s’emportent les Rutules ; comme le fier Turnus pousse à travers nos bataillons ses coursiers superbes ; comme, enflé de sa fortune, il écrase les vaincus. Déjà les portes, les remparts, sont d’un vain secours aux Troyens. Que dis-je ? c’est jusque dans leurs murs, c’est au sein même de leurs derniers retranchemens, que sa fureur les poursuit ; et leurs larges fossés regorgent de leur sang. Énée absent l’ignore. Les avez-vous condamnés aux horreurs d’un siège éternel ! Troie renaissait à peine : et voilà qu’un nouvel ennemi menace ses murailles ; qu’une nouvelle armée fond sur elle ; que, du fond de l’Étolie, le fougueux Diomède apporte encore la mort aux enfans de Teucer. Moi-même, sans doute, je dois m’attendre à de nouvelles blessures ; et la fille du souverain des dieux est réservée au glaive d’un mortel ! Si c’est sans votre aveu, contre vos volontés suprêmes, que les Troyens ont cherché l’Italie, punissez leur offense, retirez-leur votre main protectrice. Mais s’ils n’ont fait que suivre tant d’oracles rendus par les dieux de l’Olympe, par les dieux des Enfers, quel téméraire ose braver vos décrets, ose forger de nouveaux destins ? Rappellerai-je ici les flammes dévorant nos vaisseaux sur le rivage d’Éryx ? Redirai-je les outrages du roi des tempêtes, et les