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première, et, ralliant leurs débris épars, ils font face au péril. Turnus recule pas à pas ; pas à pas il regagne le fleuve et la rive, dont le flanc des murs est bordé. L’ardeur des Troyens en redouble : ils s’élancent ensemble avec des cris affreux, et leur foule grossit en courant. Tel, quand une horde acharnée presse de ses dards menaçans un lion furieux, l’animal effrayé, mais terrible et le regard farouche, recule en frémissant : il ne peut se résoudre à fuir, sa colère et son courage s’y refusent ; mais prêt à fondre sur l’ennemi, l’aspect des dards et des chasseurs enchaîne son courroux et retient sa vengeance. Ainsi Turnus incertain se retire lentement ; et son cœur brûle, enflammé de fureur. Deux fois même il revient sur ses fiers assaillans : deux fois il enfonce et dissipe leur troupe épouvantée.

Mais accourue de toutes parts, l’armée entière va l’investir ; et contre tant d’efforts, la fille de Saturne elle-même n’ose s’obstiner à le défendre : par l’ordre de Jupiter, la brillante Iris est descendue de l’Olympe, portant à Junon les menaces du souverain des dieux, si Turnus n’abandonne les remparts altiers des Troyens. Déjà le héros affaibli ne soutient plus qu’avec peine le poids de son bouclier, déjà le glaive trahit sa main languissante ; tant siffle avec furie la grêle de traits dont il est accablé. Sans cesse résonne, autour de ses tempes, son casque battu sans cesse ; et sous les pierres fléchit le triple airain de sa cuirasse : son panache abattu n’ombrage plus sa tête, et son large pavois ne suffit point à tant de coups : le fer toujours levé, les Troyens et Mnesthée lui-même,