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Alors le dieu des combats souffle aux Latins le courage et la force, et rallume dans leur cœur la soif du carnage : en même temps il jette parmi les Troyens l’esprit de vertige et la noire terreur. De toutes parts les Rutules se rassemblent : ils volent impatiens au sein de la mêlée ; le démon de la guerre descend tout entier dans leur âme. Dès qu’il a vu son frère étendu mort sur la poudre, la fortune devenue contraire, et le destin accablant les Troyens ; Pandarus, déployant toutes ses forces, fait tourner la porte sur ses gonds mugissans, et la pousse, en appuyant contre elle le poids de ses larges épaules. Mais pendant qu’il laisse hors des murs une partie de ses compagnons abandonnés aux périls d’un combat inégal, il enferme avec lui tous ceux qui s’offrent en tumulte, confusément pressés. Imprudent ! il n’a pas vu le monarque rutule s’élancer menaçant, confondu dans la foule : aveugle, hélas ! il introduisait dans la ville son plus redoutable ennemi, comme un tigre furieux parmi de faibles troupeaux. Tout à coup, dans ses yeux, un feu nouveau s’allume ; son armure a résonné d’un bruit horrible ; sur son casque s’agite un panache sanglant, et de son bouclier partent d’affreux éclairs. À son front terrible, à sa taille effrayante, les Troyens tremblans ont reconnu Turnus. Aussitôt Pandarus s’élance, le courroux dans les yeux ; et brûlant de venger le trépas de son frère, il s’écrie : « Ce n’est point ici le palais promis par Amate à son gendre ; ces murs qui t’enferment ne sont point ceux d’Ardée, ton berceau. Ces remparts ennemis t’offrent partout la mort ; rien ne peut t’y