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contente d’une vie frugale, tantôt déchire la terre sous le tranchant du soc, tantôt, armée du glaive, ébranle les cités. Jamais le fer n’abandonne nos mains ; et, même aux champs, nos lances renversées aiguillonnent le flanc des taureaux. La pesante vieillesse ne ralentit point nos courages, n’énerve point notre vigueur ; le casque belliqueux presse nos cheveux blanchis : chargés de dépouilles récentes, nous brûlons d’entasser des dépouilles nouvelles, et tous nos biens sont des conquêtes. Pour vous, l’or et la pourpre étalent sur vos habits leurs brillantes couleurs : la mollesse vous charme : vous ne respirez que les danses : le lin de vos tuniques voile vos bras efféminés, et de vains nœuds décorent vos coiffures. Allez, vils Phrygiens, ou plutôt Phrygiennes ! allez, sur le riant Dindyme, danser au double son de vos flûtes chéries. Les cymbales et les fifres de la mère des dieux vous appellent aux bosquets de l’Ida : laissez le fer aux hommes, et quittez ces armures, trop pesantes pour vos bras. »

À ces bravades injurieuses, à ces sanglans reproches, Ascagne n’a pu contenir sa colère : courbé sur son arc, il tend la corde frémissante où s’ajuste un trait vengeur ; et roidissant ses deux bras écartés, d’abord les yeux au ciel, il implore Jupiter d’une voix suppliante : « Dieu tout-puissant, s’écrie-t-il, favorise l’essai de mon audace. Je porterai moi-même dans tes temples de solennelles offrandes ; j’immolerai moi-même aux pieds de tes autels un jeune taureau blanc, au front doré, atteignant déjà de sa tête la tête de sa mère, déjà battant l’air de sa