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à Nisus une large fourrure, dépouille d’un lion aux longs crins ; le fidèle Alétès change avec lui de casque. À peine armés, ils partent : rassemblée sur leurs pas, la foule des guerriers, chefs, soldats, et jeunes gens et vieillards, les accompagne de ses vœux jusqu’aux portes du camp. L’aimable Iule lui-même, portant déjà dans l’âme d’un enfant la sagesse d’un homme, les chargeait pour son père de mille avis importans. Vain espoir ! les vents emportent ses discours et s’en jouent dans les airs.

Déjà, sortis des murs, ils ont franchi les fossés : déjà, dans l’ombre de la nuit, ils s’avancent vers ce camp bientôt funeste à leur audace ; mais qu’avant de périr, ils joncheront de mille morts. De toutes parts s’offrent à leurs yeux des soldats couchés sur le gazon, ivres de vin et de sommeil ; des chars dételés le long du rivage ; leurs guides étendus, parmi les rênes abandonnées et les roues immobiles ; des armes dispersées sur l’arène ; des coupes renversées, confusément éparses. Soudain le fils d’Hyrtacus a rompu le silence : « Euryale, c’est à présent qu’il faut frapper ; l’instant propice nous appelle. Voici notre chemin. Toi, prends garde qu’attaché dans l’ombre à nos pas, un perfide ennemi ne nous attaque à l’improviste ; et, prudent sentinelle, promène au loin un regard vigilant. Moi, je vais éclaircir ces rangs plongés dans le sommeil, et t’ouvrir un large passage. »

Il dit, se tait, s’élance, et, d’un glaive inattendu, perce le fier Rhamnès : couché sur des carreaux superbes, Rhamnès exhalait à grand bruit les vapeurs du sommeil : roi-pontife, et cher à Turnus, il possédait