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l’embrasser encore ; daignez prolonger mes jours, j’accepte à ce prix tous les maux. Mais si ta rigueur, ô Fortune ! le menace d’un coup funeste ; ah ! plutôt, romps à l’instant la trame de ma cruelle existence, tandis qu’au moins le doute balance mes terreurs, que l’avenir incertain me laisse un rayon d’espérance, que je puis, ô mon bien-aimé, toi le seul charme de ma vieillesse, te presser encore sur mon sein ! Oui, que cent fois j’expire, avant qu’un douloureux message vienne blesser mon oreille ! » Ainsi ce père désolé exhalait ses derniers adieux ; et ses gardes en pleurs le reportaient, faible et mourant, au fond de son palais.

Enfin la troupe valeureuse s’est élancée des portes. À la tête marchent le prince d’Ilion et le fidèle Achate : ensuite paraissent les autres chefs de la jeunesse troyenne. Lui-même, au centre des phalanges, Pallas éblouit les regards et par l’éclat de sa parure, et par la pompe de ses armes. Telle rayonne, au matin, l’étoile chère à Vénus, lorsque, humide encore des eaux de l’Océan, elle se lève dans les cieux couronnée de lumière, et dissipe, à ses feux sacrés, les ténèbres de la nuit. Debout sur les remparts, les mères troublées soupirent, et suivent au loin des yeux le nuage de poussière, qui roule étincelant de l’airain des guerriers. Ils volent, abrégeant la route, à travers les taillis épais, à travers les étroits sentiers. Arrivés dans la plaine, un cri part, les coursiers s’alignent ; et leurs fers, qui résonnent à grand bruit, battent en cadence les champs poudreux.

Aux bords que le Cérite baigne de ses flots, toujours