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ici que j’attends toute la force de vos bras, toute l’adresse de vos mains, toute la puissance de votre art. Allons, Cyclopes ! hâtez-vous. » Il parle, on obéit ; chacun vole à l’ouvrage, chacun veut sa part du labeur. Déjà l’airain, déjà l’or, coulent en longs ruisseaux ; et l’homicide acier bouillonne dans la vaste fournaise. Sous leurs mains s’arrondit un immense bouclier, fait pour résister seul à tous les traits des Latins : sept fois le bronze sur le bronze en condense l’orbe impénétrable. Les uns, dans d’énormes soufflets, pompent à grand bruit les vents, et les refoulent à grand bruit : d’autres, au sein des flots, trempent le fer frémissant. La caverne ébranlée mugit sous les enclumes. Avec effort tour à tour soulevés, les lourds marteaux retombent en cadence ; et, sous leurs coups, la tenaille mordante tourne et retourne le métal embrasé.

Tandis que le dieu de Lemnos presse, aux bords Éoliens, ses ardens forgerons, Évandre, en son humble demeure, s’éveille aux feux naissans du jour, au chant matinal des oiseaux habitués sous son chaume. Le bon vieillard se lève : il revêt sa tunique légère ; à ses pieds s’enlacent les liens d’or du brodequin étrusque ; ses flancs ceignent le glaive qu’il porta dans Tégée, et sur ses épaules flotte en écharpe la peau d’une panthère. Deux chiens, sa garde fidèle, sortent avec lui de son modeste palais, et marchent à côté de leur maître. Tel s’avançait le monarque vers la retraite hospitalière où reposait Énée ; il s’avançait, repassant dans son cœur les entretiens de la veille et ses