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L’ÉNÉIDE.


LIVRE SECOND.


À CES mots, le silence règne de toutes parts ; les regards attentifs s’attachent sur le fils d’Anchise ; et de son lit élevé, le héros commence en ces termes :

« Reine, vous m’ordonnez de rouvrir la source amère de mes larmes ; vous voulez que je retrace la puissance de Troie et son déplorable empire, s’écroulant sous les coups des Grecs : épouvantable catastrophe, dont j’ai été le témoin, dont je fus presque la victime. » À ce récit douloureux, quel farouche Dolope, quel soldat de Pyrrhus ou du barbare Ulysse, pourrait retenir ses pleurs ? Déjà la nuit abandonne les cieux, et le déclin des astres invite au doux repos. Mais si vous trouvez quelques charmes aux peintures de nos revers, si votre pitié s’intéresse aux derniers efforts d’Ilion ; quoique mon cœur frémisse au souvenir de tant de maux, et repousse une affreuse image, j’obéirai.

Épuisés par cent combats, et repoussés par les destins, les chefs de la Grèce comptaient au pied de nos remparts dix années d’assauts inutiles. Tout-à-coup