Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/67

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’un voile étranger vous dérobe à mon amour  ? » Tels étaient ses reproches, et ses pas se dirigent vers la cité nouvelle. Aussitôt Vénus attentive enveloppe d’un nuage obscur le couple voyageur, et l’environne d’un rempart nébuleux : ainsi cachés aux regards de la foule, inaccessibles à ses flots importuns, ils échapperont dans leur marche aux dangers des retards, aux vains discours d’un peuple curieux. Pour elle, s’élevant dans les airs, elle vole à Paphos, et se plaît à revoir son riant séjour. Là, dans un temple majestueux, sur cent autels consacrés à sa gloire, l’encens de l’Arabie fume en l’honneur de la Déesse, et mêle ses doux parfums à ceux des fleurs toujours nouvelles.

Cependant les deux guerriers se hâtent ; et le sentier qui les guide s’abrège devant eux. Bientôt ils ont gravi les flancs de la montagne dont le sommet domine au loin la plaine, et d’où l’œil plane en liberté sur les tours de Carthage. Énée surpris admire ces palais somptueux, naguère humbles chaumières : il admire l’aspect imposant de ces portes, et ces parvis superbes, et leurs bruyantes avenues. Quel mouvement partout, quel vivant tableau ! Les uns prolongent la chaîne des remparts, ou dressent un fort menaçant : leurs mains laborieuses roulent d’énormes roches. D’autres marquent la place où seront leurs toits domestiques, et l’entourent d’un sillon. Ailleurs l’état proclame ses magistrats, ses lois, et son sénat auguste. Ici, des ports se creusent : là, s’affermissent les fondemens d’un vaste amphithéâtre ; et déjà taillé dans le roc, le marbre s’arrondit en colonnes immenses, majestueux ornemens de la scène future. Telles on voit les