de terrain ce que la dépouille d’un taureau pouvait en embrasser ; ils y bâtirent une citadelle, et le nom de Byrsa en atteste l’origine. Mais vous, enfin, quel sang vous a fait naître ? Quels bords avez-vous quittés ? Quel est le but de votre course ? »
À ces questions Énée soupire ; et d’une voix étouffée par de longs gémissemens : « Ô Déesse ! si remontant à la source de nos malheurs, vous me permettiez d’en retracer l’histoire ; la nuit enveloppant les cieux, fermerait les portes du jour, avant qu’un triste récit vous eût conté tous nos revers. Troie fut notre berceau, l’antique Troie, dont peut-être la chute a retenti jusqu’à vous. Échappés de ses murs fumans, nous traînions de mers en mers notre exil : un coup de la tempête nous a jetés sur les plages de l’Afrique. Je suis Énée : mon nom trop fameux a volé jusqu’aux astres : fidèle adorateur des dieux, j’ai ravi mes Pénates aux flammes ennemies ; je les porte avec moi sur les flots. Je cherche l’Italie, patrie de mes premiers aïeux ; et ma race remonte au grand Jupiter. Vingt navires composaient ma flotte, quand je m’embarquai sur les mers Phrygiennes, guidé par la déesse à qui je dois le jour, et poursuivant, sous ses auspices, la gloire promise à mes destins : sept à peine me restent, arrachés non sans peine aux fureurs des vents et des ondes. Moi-même inconnu, sans asyle, je parcours en fugitif les déserts de la Lybie : et l’Europe et l’Asie me repoussent tour-à-tour. » Touchée de ses plaintes douloureuses, Vénus les interrompt par ces mots consolans :
« Ô qui que vous soyez ! non le ciel, croyez-moi