Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/51

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Troie, et de sa chute lamentable ; à ses malheurs passés, j’opposais sa gloire à venir. Mais le sort, toujours inflexible, poursuit encore Pergame jusque dans ses débris. Quel terme, dieu puissant, marquez-vous à nos revers ? Anténor, échappé à la furie des Grecs, a pu s’ouvrir un passage au fond du golfe d’Illyrie, pénétrer sans obstacles à travers les champs des Liburnes, et franchir ces sources fameuses, d’où le Timave roulant à grand bruit des montagnes par neuf canaux divers, s’enfle en mer orageuse, et couvre au loin les campagnes de ses flots mugissans. Il a pu, malgré cent périls, fonder sur les plages Italiques les remparts de Padoue, y fixer les Troyens vainqueurs, et dotant d’un nom impérissable sa nouvelle patrie, y suspendre en trophée les armes d’Ilion. Maintenant paisible, il goûte au sein du calme les douceurs du repos. Et nous, nous vos enfans, nous que votre amour appelle aux honneurs de l’Olympe, on nous proscrit, ô honte ! l’abîme engloutit nos vaisseaux ; et victimes d’une aveugle haine, nous errons sans espoir loin des rivages du Latium. Voilà donc le prix de nos hommages ! c’est donc ainsi qu’on remet le sceptre en nos mains ! »

Alors, avec ce front serein qui chasse les tempêtes et rend le calme à la nature, l’auteur des hommes et des dieux sourit à la belle Vénus, effleure doucement ses lèvres d’un baiser paternel, et charme en ces mots ses douleurs : « Rassurez-vous, ô Cythérée ! le sort de vos Troyens chéris demeure irrévocable. Oui, vous verrez les murs de Lavinie, ces murs promis par les