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flots d’un vin pur, dont le généreux Aceste avait enflé leurs outres sur le bord Sicilien, lorsqu’ils s’éloignèrent de ce monarque hospitalier. Puis sa voix paternelle console en ces mots leurs ennuis :

« Chers compagnons ! nous avons fait depuis long-temps l’apprentissage du malheur. De plus rudes assauts n’ont pas lassé notre constance : les dieux mettront un terme à cette nouvelle épreuve. Vous avez affronté la rage de Scylla, et ses gouffres mugissans ; vous avez vu, sans pâlir, l’antre affreux des Cyclopes : rappelez votre courage, et bannissez de sinistres terreurs ; un jour peut-être ces souvenirs auront pour vous des charmes. C’est à travers mille hasards, à travers d’éternels orages, que nous cherchons le Latium ; mais les destins nous y promettent des demeures paisibles : là doit ressusciter l’empire d’Ilion. Armez-vous de persévérance ; et réservez-vous, amis, pour des temps plus prospères. »

Tels étaient ses discours ; mais de mortels soucis le dévorent en secret : ses yeux feignent l’espoir ; son âme renferme une douleur profonde. Toutefois le peuple s’empresse autour de son butin, et le banquet s’apprête. La biche dépouillée montre à nu ses entrailles ; ici, le fer tranchant la divise en larges quartiers ; là, des axes mobiles en tournent sur le feu les chairs encore palpitantes. Plus loin fume sur le rivage l’airain bouillant des chaudières, et la flamme attisée l’embrasse en pétillant. Bientôt la joie du festin ranime les convives ; et couchés sur la molle verdure, ils savourent à loisir la liqueur de Bacchus, et les présens de la chasse. Quand l’abondance