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restes battent aujourd’hui le rivage. Par la douce clarté des cieux que je ne verrai plus ! au nom d’un père, objet de votre culte ! au nom d’un fils, votre jeune espérance ! dérobez-moi, prince invincible, à l’horreur de mes maux. Vous le pouvez ; un peu de poussière suffit à mon cadavre : cherchez, pour l’en couvrir, les sables de Vélie. Mais que dis-je ? ces demeures vous sont ouvertes. Oui, Vénus même, Vénus, votre auguste mère, vous en fraya la route : quel mortel, sans l’aveu du sort, songerait à braver ces redoutables torrens, à franchir les marais du Styx ? Ah ! daignez me tendre une main protectrice ; laissez-moi franchir avec vous ces marais ténébreux ; et qu’au séjour de l’éternelle paix, je trouve du moins le repos dans la mort ! »

Tels étaient ses discours. L’austère Déiphobé le gourmande alors en ces mots : « Téméraire ! d’où vient ce vœu sacrilége ? Quoi, sans être inhumé, tu verrais les eaux du Styx et le fleuve sévère des Euménides ! Sans l’ordre des Immortels, tu foulerais des bords qui te repoussent ! N’espère point fléchir par des prières les arrêts du Destin. Toutefois écoute, et que mes paroles, présentes à ta pensée, te consolent dans ton malheur. Bientôt les peuples voisins, frappés au loin de terreur aux signes de la colère céleste, s’empresseront d’apaiser tes mânes et de t’élever un tombeau. Le repentir y déposera, chaque année, de solennelles offrandes, et les lieux où dormira ta cendre, s’ennobliront à jamais du nom de Palinure. » Ces promesses charment sa