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funéraire ; on veut que mille troncs entassés en exhaussent jusqu’au ciel le superbe édifice. Bientôt l’antique forêt livre au fer ses épais taillis, retraite profonde des animaux sauvages. Les pins tombent avec fracas ; et le frêne et l’yeuse retentissent des coups redoublés de la hache ; le chêne éclate et crie sous le coin déchirant, et les ornes gigantesques roulent du haut des montagnes ; le prince lui-même, partageant ces travaux, anime l’ardeur des bûcherons, et, comme eux, s’arme de la cognée. Au milieu de ces soins amers, Énée médite en silence, et, contemplant l’immensité des bois, il se dit avec un soupir : « Oh ! si le mystérieux rameau s’offrait maintenant à ma vue sous ces vastes ombrages ! Ton sort, infortuné Misène, confirme, hélas ! trop bien les oracles de la prêtresse. » Pendant qu’il parlait encore, voici que deux colombes s’abattent légèrement des nues, et se posent près de lui sur l’émail du gazon. Le héros a reconnu les oiseaux de sa mère, et son espoir sourit à ce présage. « Soyez mes guides, heureuses messagères, si c’est le ciel qui vous envoie ! et que votre course aérienne dirige mes pas vers le bocage où croît l’arbuste aux feuilles d’or. Toi surtout, ne délaisse point ton fils en ses incertitudes, ô déesse dont je tiens le jour ! » À ces mots il s’arrête, observant quels signes elles vont donner, quelle route elles vont choisir. D’abord, voltigeant d’espace en espace, et, becquetant l’herbe fleurie, elles s’éloignent, reviennent, puis s’éloignent encore, toujours à la portée du regard qui les suit. Mais parvenues aux gorges infectes de l’Averne, elles s’élèvent d’un