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pouvoir. Et peut-être, arrivant de front, leurs nefs eussent partagé le prix de la vitesse, si Cloanthe, s’inclinant vers les eaux, n’en eût invoqué les puissances, et ne les eût fléchies par ces promesses religieuses. « Divinités de l’humide empire, vous qui régnez sur ces mers où je cours ! faites que l’heureux Cloanthe obtienne la couronne ; et sur ce rivage même, j’immole aux pieds de vos autels un taureau plus blanc que la neige. Mes mains jetteront leurs entrailles fumantes au sein des flots amers, et mêleront à vos ondes le vin pur des libations. » Il dit ; et du fond du liquide abîme, le chœur nombreux des Néréides, et Phorcus, et sa suite, et la chaste Panopée, ont entendu sa voix. Un dieu lui-même, Palémon, pousse d’un bras officieux la poupe obéissante ; et soudain, plus prompte que le vent, plus légère que la flèche ailée, elle fuit vers la terre, et s’enfonce dans le port.

Alors, suivant la loi des jeux, le fils d’Anchise assemble les combattans. Par la voix éclatante du héraut, il proclame vainqueur l’heureux Cloanthe, et lui ceint la tête du laurier triomphal. Chaque vaisseau reçoit en présent trois jeunes taureaux d’élite, des vins choisis, un talent d’argent. Aux chefs sont réservés de plus riches tributs. Le prince offre au vainqueur une chlamyde brodée d’or, où sur une double bordure la pourpre de Mélibée serpente en replis onduleux, et forme un double Méandre. L’aiguille industrieuse y représenta ce noble enfant des rois, Ganymède, au milieu des forêts de l’Ida : bouillant chasseur, il court, fatiguant de ses traits les