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serrait dans ses bras sa sœur presque sans vie, la réchauffait contre son cœur en la baignant de larmes, et séchait du pan de sa robe le sang noir de la plaie. Soins superflus ! la reine entr’ouvre avec effort ses paupières appesanties, et sa faiblesse les referme aussitôt : le sang échappe, en bouillonnant, de son sein déchiré. Trois fois soulevant sa tête languissante, elle se dresse, appuyée sur un bras qui chancelle : trois fois elle retombe sur la couche homicide, cherche aux cieux d’un œil égaré la lumière du jour, la rencontre et gémit.

Alors, touchée de ses longues souffrances et de sa pénible agonie, la puissante Junon fait descendre Iris de l’Olympe, pour terminer la lutte de cette âme infortunée, et l’affranchir des liens terrestres. Car Didon périssant victime, non de la loi commune ou du courroux des dieux, mais d’une mort précoce et d’une fureur soudaine, les Parques n’avaient pas encore détaché de son front le cheveu fatal, ni dévoué sa tête au monarque du Styx. Ainsi donc Iris, déployant dans les airs ses ailes humides de rosée, que l’éclat du soleil nuance de mille couleurs diverses, la brillante Iris fend les nues, et suspend son vol au-dessus de la reine. « Je porte à Pluton, dit-elle, ce tribut qu’il attend : c’est Junon qui l’ordonne. Sois libre de ta prison mortelle. » À ces mots, sa main tranche le cheveu d’or. Soudain la chaleur abandonne le corps qu’elle animait, et sa vie fugitive s’exhale dans les airs.