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hasards, de nouveau parcourir tous les détours d’Ilion, m’exposer de nouveau à toute la furie du vainqueur. D’abord je visite et ces murs et ces portes, dont l’obscurité favorisa ma retraite ; je reconnais la voie mystérieuse que je m’étais frayée dans l’ombre, et mes regards inquiets interrogent les lieux d’alentour : partout l’horreur de la nuit, l’horreur du silence même, inspirent l’épouvante. Peut-être a-t-elle porté ses pas vers la demeure d’Anchise ; j’y vole ; les Grecs en avaient forcé l’enceinte, et l’inondaient toute entière. Sous mes yeux mêmes, la flamme dévorante, poussée par les vents, s’attache au faîte de l’édifice ; les combles embrasés s’allument, et vomissent dans les airs des torrens de feux. J’avance, je revois le palais de Priam, et les ruines de la citadelle. Là, sous les vastes portiques consacrés à Junon, déjà Phénix et l’odieux Ulysse veillent auprès des dépouilles confiées à leur garde : là sont amoncelées toutes les richesses de Troie, ces trésors arrachés de nos temples brûlans, et les tables des Immortels, et les cratères d’or pur, et la pourpre conquise par la victoire. Un long essaim d’enfans et de mères en deuil gémit autour de ces trophées sanglans.... Hélas ! j’osai même élever ma voix au milieu des ténèbres ; je fatiguai les échos de mes cris ; et dans ma douleur, sans cesse appelant Créuse, et la cherchant sans cesse, je la demande vainement à tout ce qui m’environne.

Tandis qu’errant à sa poursuite, je cours désespéré de parvis en parvis, un fantôme lugubre se présente à ma vue. C’était l’ombre de Créuse même ; c’était son