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Riphée le suit aux sombres bords, Riphée, le plus juste, le plus religieux des Troyens : sa vertu ne trouva pas grâce devant les Immortels ! Hypanis et Dymas meurent percés par leurs concitoyens. Et toi, Panthée, tu chancelles toi-même : ni ton respect envers les dieux, ni la tiare d’Apollon, ne peuvent te soustraire au trépas. Cendres d’Ilion, bûchers funèbres de ses enfans, vous le savez ! dans ce grand désastre, je n’évitai, pour sa défense, ni les traits conjurés des Grecs, ni les hasards des combats ; et si le destin l’eût permis, j’emportais, en tombant, la gloire de tomber avec la patrie ! Arrachés de ce lieu funeste, nous le quittons en gémissant, Iphitus, Pélias et moi ; Iphitus, appesanti par le fardeau des ans ; Pélias, blessé par Ulysse, et se traînant à peine. Tout à coup des cris redoublés nous appellent au palais de Priam.

C’est là surtout que Mars déploie toutes ses fureurs : on dirait que la guerre n’a point d’autre théâtre, et que la mort craint de frapper ailleurs ; tant les phalanges se heurtent avec acharnement, tant l’auguste enceinte est livrée à d’horribles assauts ! déjà les portes s’ébranlent aux coups du bélier ; les échelles dressées fléchissent sous le poids des assaillans ; et les Grecs, suspendus aux murs qu’ils gravissent, opposent d’une main aux dards l’airain de leurs boucliers, tandis que de l’autre ils s’attachent aux créneaux. Les Troyens, de leur côté, s’arment des ruines mêmes de leurs tours démolies, de leurs toits embrasés, dernière ressource du désespoir qui lutte contre la mort ; ils font rouler du faîte les lambris, les poutres dorées, somptueux ornemens de la demeure des rois. D’autres