Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/127

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Déjà le vaste palais de Déiphobe s’est abîmé dans les flammes ; déjà le feu dévore les longs portiques d’Ucalégon : les lueurs de l’incendie se réfléchissent au loin sur les mers de Sigée. De toutes parts se font entendre, et les clameurs des guerriers, et les éclats du clairon. Hors de moi, je saisis mes armes, sans trop savoir quel secours j’en puis attendre ; mais je brûle de rassembler une troupe intrépide, et de m’ensevelir avec elle sous les débris de la citadelle. L’ardeur de la colère précipite mon courage ; je n’aspire plus qu’à l’honneur d’un glorieux trépas.

Mais voilà qu’échappé non sans peine aux traits des ennemis, Panthée se présente à mes regards ; Panthée, pieux enfant d’Othrys, et prêtre du temple d’Apollon. D’une main portant ses dieux vaincus et leurs saintes reliques, traînant de l’autre son petit-fils, il venait éperdu se réfugier dans mon palais. « Que peut encore la vaillance, ô Panthée ? Où porter l’effort de nos coups !  » Le vieillard, à ces mots, s’écrie d’une voix lamentable : « Il est venu le dernier jour de notre empire, le terme fatal de nos grandeurs ! Plus de Troyens, plus d’Ilion ! Notre antique splendeur s’est évanouie comme une ombre. L’impitoyable Jupiter a couronné les vœux d’Argos ; tout plie sous les Grecs dans Pergame embrasée. Le fatal colosse introduit dans nos murs, y dresse sa tête menaçante, et vomit au milieu de nous des bataillons armés ; et Sinon triomphant, Sinon, la torche en main, insulte à notre funeste crédulité. Ici, des milliers d’assaillans ont enfoncé les portes ; jamais l’orgueilleuse Mycènes n’enfanta plus